La Réflexion d’un Retour au Printemps

Nous sommes le 11 avril 2024. Le printemps a enfin pris place dans le ciel de Bruxelles. Le soleil, timide au départ, devient de plus en plus audacieux, réchauffant doucement la capitale. Il éclaire les fleurs qui s'épanouissent sur les trottoirs, les arbres qui retrouvent leur éclat vert, le mouvement de la nature qui se réveille. Tout semble renaître. Et moi, en ce moment précis, je me sens aussi en train de renaître.

Après quatre années passées en Afrique, je suis de retour en Belgique. Les rues de Bruxelles me sont familières, comme une vieille amie retrouvée après une longue absence, mais il y a quelque chose de différent. Une sensation subtile d’évolution, presque imperceptible, mais bien présente. Un changement qui, si je devais le nommer, serait celui de la transformation digitale. La ville a grandi, les avenues se sont modernisées, mais dans mon cœur, c’est comme si le temps s’était suspendu. Peut-être ai-je changé moi-même, d’ailleurs.

Il y a une odeur particulière dans l’air. Celle des arbres, des plantes, de la terre humide, qui me ramène instantanément à la nature. Un parfum que je n'avais pas retrouvé depuis si longtemps, l'odeur du vivant, du mouvement. C'est fou, comme les petites choses prennent une telle importance lorsque l'on revient à elles après un long voyage. Il y a un paradoxe dans la manière dont la vie nous rappelle à elle. On oublie tellement souvent, et pourtant tout est là, sous nos yeux, tout le temps. Nous avons juste besoin de nous rappeler de regarder.

L’Afrique… Ce continent où j’ai appris tant de choses.   Je ne connaissais rien de lui avant de le découvrir, ou du moins, j'avais tout oublié. Pendant le confinement, et un peu après, j'ai dû réapprendre la vie autrement. Ce qui compte, et ce qui ne compte pas. Et le Covid, cette grande pause mondiale, nous a bien rappelé cette réalité collective : nous sommes tous connectés. Que le ciel est connecté à la terre, que nos vies s’entrelacent, que l’invisible nous lie plus que nous ne l'imaginons. Et pourtant, nous oublions souvent. L’internet nous le rappelle, mais la distraction nous en éloigne.

Qu’est-ce que la vie, au fond ? Qui suis-je dans ce vaste monde ? Quelle est ma place ici, dans ce monde que j’ai toujours vu comme fade, presque illusoire ? Je me suis retrouvée à poser ces questions à chaque tournant de ma vie, avec une insistance presque douloureuse. Pourquoi le monde me semblait-il souvent morose, et pourquoi me suis-je plainte pendant si longtemps de ses imperfections ? J'ai compris, au fil du temps, que me plaindre n’était qu’une forme de frustration de mon impuissance à changer les choses. J’ai pris conscience que mes plaintes étaient en réalité un appel à l’action, une envie brûlante de tout renverser, de tout jeter à la poubelle pour en créer un nouveau. Et ce monde, ce monde que je pensais ne pas comprendre, je réalise aujourd’hui qu’il est connecté. Chacun d’entre nous est une petite pièce de ce grand puzzle. Et de tout cela, je me rappellerai toujours : nous sommes tous connectés.

La vie, je l’ai redécouverte dans cette vérité simple mais essentielle. Le plat que je m’apprête à manger a fait un long chemin avant d’arriver dans mon assiette. Les vêtements que je porte, les chaussures sur mes pieds, mon téléphone dans mes mains ont eux aussi traversé des milliers de kilomètres, des histoires et des vies. Que puis-je rendre à ce monde, qui me nourrit et me façonne tous les jours ? Comment puis-je participer à cette grande chaîne de connexions, à ce fil invisible qui unit tous les êtres et toutes les choses ?

L’introspection m’a rendue amoureuse de la vie. D’une manière nouvelle, plus profonde. J'ai découvert la beauté des petits gestes, de la gratitude pour ce que j’ai, et surtout, pour ce que je peux offrir en retour. Ma place dans ce monde n’est pas définie par ce que j’ai ou ce que je fais, mais par la manière dont je choisis de vivre cette connexion. Cette connexion à tout ce qui m’entoure, à la nature, aux autres, et à moi-même.

Aujourd'hui, alors que le printemps éclôt autour de moi, je laisse ces réflexions imprégner mon être. Je les garde comme des graines dans mon cœur. Et j'espère les porter avec moi chaque jour, en me souvenant que la vie, dans sa simplicité, est une invitation à aimer, à être présente et à me relier, à chaque instant, à ce monde que j'ai parfois cru fade mais qui, en réalité, est si vivant.

Et c’est dans cette gratitude, dans cet amour renouvelé, que je trouve la force d’avancer.

L’Écriture Africaine : Un Voyage de Redécouverte et de Résilience

 

Je sais ! J’ai honte ! Ce n’est pas marrant ! C’est honteux ! Mais ce n’est que récemment que je me suis fait la réflexion que je ne lisais pas de livres d’auteurs africains. J’ai alors décidé de me plonger dans l'univers des écrivains africains, de découvrir leurs récits, leurs voix, et leurs perspectives. Et quelle révélation !

Ce qui m’a frappée, c’est que les histoires racontées par ces auteurs africains, qui se déroulent souvent en Afrique, résonnent en moi d’une manière que je n’aurais jamais imaginée avant. Aujourd’hui, après avoir vécu quatre ans en Afrique post-Covid, je me retrouve dans des anecdotes, des situations, des rues et des comportements qui me sont familiers. J’y vois mon propre vécu, mes propres expériences, et cela m’apporte une forme de paix intérieure. Ouf ! Il n'y a pas que moi ! Beaucoup d’autres partagent cette expérience.

Je me souviens d'une scène en particulier, celle où j’avais rendez-vous chez le coiffeur. Il m’a fait attendre sur un banc pendant qu’il finissait de coiffer une cliente. "Cinq minutes" qu’il m’avait dit, mais cinq minutes qui se sont transformées en une attente de 30 minutes. Au bout de 15 minutes à patienter, j’ai décidé de partir. Et là, tout à coup, son collègue m’a proposé de commencer mes cheveux. Il a commencé à travailler, et puis, au milieu de la coiffure, au moment où je n'avais plus d’option pour aller ailleurs, il a décidé de faire une pause. "George, celui avec qui vous aviez rendez-vous, va vous terminer" m’a-t-il dit. Et là, je me suis retrouvée piégée, à attendre dans cette chaise, obligée d'annuler tous mes autres rendez-vous pour la soirée, alors que j'avais soigneusement prévu un créneau de six heures entre mon passage chez le coiffeur et mes autres engagements. Cette situation, banale peut-être pour certains, mais tellement représentative de certaines réalités africaines.

Cela m’a fait réfléchir. En fait, il y a un nombre assez restreint d’écrivains africains. Bien sûr, il existe une multitude d’écrivains afro-américains, et quelques écrivains africains émergent, mais force est de constater que, comparé à leurs homologues européens, le nombre reste faible. Et cela m’a ramenée à ce célèbre proverbe africain :

« Quand le lion aura sa propre histoire, l’histoire ne sera plus écrite par le chasseur. »

Ce proverbe a une résonance particulière, et il est plus pertinent que jamais aujourd’hui. Cela explique, en grande partie, pourquoi les Africains, et surtout ceux de la diaspora, sont souvent mal informés sur leur propre histoire, leurs traditions et leurs littératures. La littérature est un moyen essentiel pour un peuple de préserver ses traditions, ses histoires et ses valeurs. À travers les fables, les poèmes et les romans, les adultes transmettent leurs expériences, leurs croyances et leurs savoirs aux générations futures. Mais ce processus a été gravement perturbé en Afrique, en grande partie à cause de la colonisation.

La colonisation a délibérément cherché à éradiquer les systèmes de transmission des savoirs et des traditions africaines. Les puissances coloniales ont imposé leurs langues et leurs systèmes éducatifs, marginalisant ainsi les langues locales, les cultures et les pratiques ancestrales. Les récits, qui étaient autrefois transmis oralement par les griots, les conteurs et les sages, ont été remplacés par une vision euro-centrique du monde. Les Africains ont été réduits au silence, et toute tentative de résistance contre cet effacement culturel a souvent été réprimée de manière violente.

Heureusement, nous vivons à une époque où tout peut être déconstruit et reconstruit. Grâce à Internet et à la révolution numérique, l’accès à l’information n’a jamais été aussi facile. Nous avons désormais l'opportunité de réécrire notre histoire, de raconter de nouvelles histoires, d’écrire des poèmes, des contes, des romans, des biographies… Il est temps de redonner voix à ces récits qui ont été étouffés pendant des siècles. La mémoire historique et culturelle peut être retrouvée, préservée et partagée. Et bon sang, ÉCRIVONS !

Il est grand temps que nous, Africains, nous saisissions de notre histoire et de notre littérature. Nous avons des histoires à raconter, des voix à faire entendre, des expériences à partager. Et ce n’est qu’en nous réappropriant nos récits que nous pourrons vraiment comprendre et transmettre notre identité, nos valeurs et nos savoirs à la prochaine génération.

Alors, écrivons ! Écrivons pour nous-mêmes, pour nos ancêtres, pour nos enfants et pour le monde entier. La littérature africaine a une richesse et une profondeur infinies qui méritent d’être découvertes et célébrées. Il est temps de reprendre notre place dans l’histoire et dans les lettres du monde.

Et vous, êtes-vous prêt à lire et à écrire l’histoire de l’Afrique ?